CAIRN - INFO L’homoparentalité : défi ou transgression ?
Devenir parent, n'est-ce pas une forme de transgres-années de l'enfance et de l'adolescence : ce pouvoir qui définit sion ? N'est-ce pas une prise de possession, une façon de s'accaparer le pouvoir convoité durant toutes les les parents, celui de faire des enfants ?
2 Une transgression ? Ne s'agit-il pas toujours, alors, dans les fantasmes, de déloger les parents, ses parents, de prendre leur place ? Mais ce faisant, il s'agit aussi de les relayer; et la transgression trouve son dénouement : ils deviennent par là grands parents : ce qui leur est « pris » leur est « redonné ».
3 L'homosexualité correspond au fait de ne pas s'accaparer ce pouvoir : elle se tient à l'écart de l'enfantement. L'enfante-ment est un partage entre les sexes; ce qui rapproche les sexes, chez les humains, n'est pas l'instinct de reproduction, comme dans la vie animale, mais le désir. Et le désir est le désir de l'autre, aux deux sens de l'expression (désirer l'autre, être désiré par lui) : le partage résulte de l'attrait mutuel du masculin et du féminin. Il met les homosexuels en difficulté, car il mobilise les repères de l'identité sexuée personnelle, c'est-à-dire le partage intérieur qui rendit garçon ou fille, durant l'enfance, en amenant à une dynamique du désir plutôt que l'autre : du coup l'accouplement avec l'autre sexe est redouté par les homosexuel(le)s.
4 L'enfantement est porté par un désir né dans les fantasmes de l'enfant comme vœu incestueux : donner un enfant à la
5 mère, avoir un enfant du père; l'enfantement partagé par le couple d'un homme et d'une femme scelle la distance prise avec les vœux incestueux de l'enfance : le choix d'un autre homme que le père (pour la femme), d'une autre femme que la mère (pour l'homme).
6 L'homosexualité manifeste une impasse affective vis-à-vis de l'enfantement; elle provient du fait que, dans son développement personnel, le garçon ne s'est pas senti être le petit homme en herbe pour sa mère : le désir incestueux de lui donner un enfant a été intérieurement censuré (de même pour la fille avec le père). L'homosexualité correspond à la contestation intérieure qui en résulte, à l'égard de leur manière d'avoir été parents : l'homosexuel(le) refuse de prendre modèle identificatoire, même nuancé des critiques inévitables à l'égard de tout parent, il (elle) récuse en bloc l'enjeu de la filiation qui rend l'enfant dépendant pour son identité sexuée des attentes inconscientes parentales.
7 Pourtant peut exister une attente de dépasser cette problématique, et de devenir parent. Mais peut-on être parent sans peu ou prou faire comme ses parents, sans relayer la parenta-lité ?
8 Deux dynamiques de l'attente par les homosexuel(le)s de devenir parent méritent d'être distinguées.
9 La première vise à restaurer une dynamique de filiation, malgré l'homosexualité; il s'agit de rendre ses parents grands-parents, et de devenir parents comme eux, malgré une homosexualité qui empêche l'enfantement. Il s'agit d'une dynamique d'apaisement du conflit intérieur, la recherche de le dépasser : la contestation de la parentalité fait obstacle à l'enfantement, il s'agirait de la surmonter sur le plan pratique, non pas de la valider comme principe.
10 Cette motivation n'est pas une contestation de la dynamique de la filiation, elle n'est pas en soi transgressive : c'est plutôt l'aspiration à devenir parent, bien qu'homosexuel. Le concours de la société est requis pour faire la courte échelle vers la parentalité, non pour invalider le principe de celle-ci. La seconde généraliserait à toute filiation le procès que les homosexuel(le)s ont à l'égard de leurs parents (intérieurs) : la contestation à l'égard des parents deviendrait la contestation du principe de parentalité (ce principe de la filiation qui fait l'enfant dépendant pour construire son identité intérieure sexuée des attentes parentales). Il s'agirait de généraliser la contestation à l'égard de la filiation en tant que transmission assumée depuis la référence à ses propres parents; les fondements du lien de filiation en seraient discrédités : c'est ce que serait une « homoparentalité ».
11 Cette contestation de la parentalité est un défi lancé à la société : si elle était entérinée socialement, elle érigerait la contestation au statut d'une banalité, donc elle ferait d'un principe intrinsèquement invalidé le fondement de la filiation. Pour faire avaliser un tel défi, des arguments cherchent à faire croire que les homosexuel(le)s seraient privés d'enfants par le fait de la société, et que l'absence d'enfant dans la relation homosexuelle résulterait d'une discrimination à leur égard, dès lors montée en épingle dans les débats publics.
12 C'est négliger que les homosexuel(le)s sont privés d'enfant par impasse intérieure de leur vie affective : contestant la méthode de leurs parents, autrement dit refusant l'identification à leur égard, ils ne peuvent se rendre parents, ils se tiennent à l'écart du pouvoir procréateur cependant convoité. Leur contestation n'est pas la critique de forme adressée à ses propres parents, elle récuse sur le fond la manière, elle se généralise, dénonçant l'« hétérosexualité » (celle-ci est une donnée anatomique de l'accouplement; tandis que le rapprochement des sexes est régi par l'attrait du masculin et du féminin).
13 D'où l'importance des décisions législatives en cours de discussion, notamment dans le cadre d'une actuelle Commission Parlementaire sur la famille.
14 La réflexion sur l'« homoparentalité » ne saurait se résumer à l'aspect de forme mis en exergue par les sociologues, les journalistes, et de nombreux acteurs de la société qui se cantonnent à une approche extérieure de la relation : elle doit émaner d'une réflexion sur la vie intérieure, donc d'une prise en compte de l'antagonisme inconscient entre homosexualité et enfantement.
15 Comment cet antagonisme peut être surmonté dans la relation singulière entre un enfant et ses parents homosexuels, c'est affaire personnelle, c'est affaire de chaque relation particulière. La dynamique du lien, selon que prévaut le premier ou le second aspect de l'aspiration à devenir parent, a son incidence. Mais la contestation intérieure peut n'être pas différente en son essence de la banale contestation que chacun entretient peu ou prou à l'égard de ses parents, elle peut n'être qu'un enjeu d'intensité, non de nature.
16 Par contre, un problème pour l'enfant, pour tous les enfants, serait que cette contestation intérieure soit érigée dans le discours collectif, donc dans la loi, au plan d'une banalité : c'est le risque grave d'entériner une « homoparentalité ».
17 Car celle-ci est une contradiction dans le terme, c'est un oxymore : l'homosexualité porte une contestation de la parentalité en son principe; cette parentalité intérieurement contre-dite ne peut pas être érigée en banalité, sans que toute la filiation intérieure se trouve disqualifiée : il est assuré que cela aurait des conséquences pour l'enfant, pour tous les enfants. Qu'il y ait des parents homosexuels, et que leur cadre familial connaisse des aménagements au profit de l'enfant, personne ne s'en effraie : l'enfant peut dépasser la contradiction en jeu, à condition que ne soit pas occultée sa complexité en prétendant la banaliser.
18 C'est cette banalisation qui serait dangereuse : prétendre que l'« homoparentalité » serait une parentalité comme les autres, ce serait annuler qu'elle résulte d'une contestation intérieure, ce serait du coup altérer les processus qui permettent à l'enfant de fonder sa construction psychique personnelle. Il ne faut pas négliger le problème ainsi posé à la société : peut-elle aider au devenir parent ceux mêmes qui ont manifesté leur réticence intérieure à le devenir ? Est-ce simple, est-ce une simple « modernité » ? Peut-elle faire la courte échelle vers la parentalité, sans banaliser la complexité de la situation ?
19 Il y a une tentation de contourner ces questions; les socio-logues s'y emploient : il faudrait rendre les homosexuels parents à la raison supposée d'un droit social, les rendre parents « comme les autres » à la raison de lutter contre une discrimination.
20 Mais une telle attitude, ce serait résoudre par des lois sociales ce qu'entrave la vie intérieure : est-ce anodin ? Est-il plausible que cela n'ait pas d'effet sur l'enfant, sur tous les enfants ? Ne serait-ce pas alors une transgression, dont se rendrait coupable la société ? Ne serait-ce pas du coup une attitude perverse à l'égard de l'enfant, à l'égard de tous les enfants ? Car tous sont concernés, puisque c'est la filiation comme principe qui serait négligée, qui serait altérée, par la promulgation d'un principe certes nouveau (effet de forme), mais surtout contradictoire (effet sur le fond) : tel est le problème posé à la société par l'« homoparentalité ».
21 D'où, au cœur du débat, la question de l'adoption par des homosexuels; est-elle envisageable ? L'adoption repose sur la filiation, elle est une filiation : c'est ce dont le protocole français d'agrément avant adoption se porte garant. On met en avant des arguments de forme : les « célibataires » peuvent adopter; argument d'ailleurs inexact : personne n'a le « droit d'adopter », même s'il est vrai que les couples mariés et les célibataires (de plus de 28 ans) ont droit de se porter candidat(e)s à agrément avant adoption.
22 Et qu'il est vrai que des demandes sont acceptées, notamment de démarches « célibataires » (disons plutôt menée à bien seul(e)); or ces dernières sont à distance d'une relation d'enfantement : c'est vrai, mais elles n'y contredisent pas. Tel est le point qui les différencie de la démarche qui émanerait d'homosexuels.
23 Est-il concevable d'agréer une demande d'adoption qui témoigne, par la relation elle-même, d'un refus de partager l'enfantement ? Or c'est le propre d'une démarche émanant d'homosexuels. La relation homosexuelle marque ce refus : la place de la différence entre le paternel et le maternel est brouillée. L'homosexualité n'est pas en cause, mais ce qu'elle signifie : une contestation de la manière parentale.
24 La filiation ici évoquée concerne son registre affectif et symbolique; le registre de la filiation mis en avant par les sociologues est celui externe du juridique : or ce dernier ne vaut que comme confirmation du registre intérieur, relationnel. La démarche de l'adoption vise à garantir à l'enfant une filiation : c'est la visée du protocole d'agrément; peut-elle entériner une démarche qui la refuse sur le fond ?
25 Les sociologues, et avec eux bien des acteurs de la société (journalistes, anthropologues, etc.) cantonnent la réflexion à des enjeux de forme : ils ne parlent pas d'« homoparentalité », ils parlent du fait qu'il y a des parents homosexuels. Et de cela, personne ne s'alarme abusivement : mais prétendre, d'une situation de fait, faire découler un principe, c'est une affaire qui mérite d'être jugée sur le fond : les sociologues s'emploient à l'éviter.
26 Est-ce acceptable, lorsqu'on sait que la relation à l'enfant se joue sur des enjeux de fond ? Il ne s'agit pas d'évaluer le fonctionnement d'une relation ni de la juger; il s'agit du fait qu'à la banaliser pour des enjeux de forme, on sacrifierait ses enjeux de fond.
27 Bref, selon l'attitude de la société, la parentalité par des homosexuel(le)s deviendra ou non une transgression; c'est le défi auquel est confronté la société. Selon sa réponse, la vie psychique de l'enfant sera respectée, ou non.
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Expert pour l’agrément en vue d’adoption |