Christian FLAVIGNY

psychanalyste

9 octobre 2023 - Le Journal du Dimanche - La culture française face au phénomène trans

Le phénomène transgenre questionne aujourd’hui la société française, suscitant un débat entre la compréhension qui s’en est déployée aux États-Unis et celle émanant de la culture psychologique française.

Comment comprendre que des personnes, adultes, adolescents, parfois même enfants, disent se sentir « dans le mauvais corps » et demandent à transitionner vers l’autre sexe, qu’ils tiennent pour être leur « véritable sexe » ? S’agit-il d’une « erreur de la Nature » justifiant la transition médico-chirurgicale réparatrice ?

Telle n’est pas la conclusion des études françaises, depuis leur compréhension de ce qui fonde l’identité sexuée : l’appropriation par l’enfant de son sexe corporel en résonance avec le vœu de ses parents d’avoir un fils ou bien une fille. C’est de la conciliation de ces deux données : le constat corporel d’être garçon ou fille ET l’inscription dans la vie familiale comme fils ou fille de ses parents, que résulte une “évidence” d’être un garçon ou bien une fille - “évidence” qui se refuse si cette conciliation peine à s’établir, entraînant un profond désarroi. Celui-ci est l’effet d’un tiraillement qui fait craindre à l’enfant de ne pouvoir combler au mieux l’attente de ses parents, vœu qui est pourtant cher à tout enfant, dans la crainte de les décevoir. Cela peut ancrer un vœu de changer de sexe aux tréfonds de la vie psychique, l’autre sexe s’inscrivant comme “le véritable sexe” qu’il faudrait donc rejoindre, comme une “transidentité” devenant le socle de la personnalité. Il s’impose de respecter l’épreuve qui en résulte ; c’est dans cet esprit que fut de longue date étudié ce sujet, alors dénommé “transsexualisme” par la psychologie française, avec la contribution de juristes, pour favoriser au mieux le vécu des personnes concernées.

Cet équilibre a été perturbé par l’importation récente en France de la conception nord-américaine du “phénomène transgenre”, illustration de deux horizons culturels opposés. La culture anglosaxonne n’intègre pas la compréhension mûrie de la tradition française ; elle lui substitue un pragmatisme qui résume la question sexuelle à une inadéquation du corps, et un individualisme qui fait chacun décisionnaire de son identité sexuée au titre d’une “autodétermination” qui s’appliquerait dès l’âge d’enfance et d’adolescence. Ce mode de raisonnement, au vœu de ne pas “discriminer” en fonction de l’âge, est le principe de la culture nord-américaine héritière d’une histoire chargée de violentes discriminations à l’endroit des minorités ; mais il méconnaît l’impératif psychologique d’une maturation du processus d’appropriation de son identité sexuée, tout au long de l’enfance et de l’adolescence : les enfants et les adolescents ne peuvent prendre la mesure de ce que serait “être de l’autre sexe”.

Du coup s’opposent deux compréhensions de la “transidentité” ; celle anglosaxonne la tient effective dans la réalité, validant l’idée d’un “bug” naturel, comme elle fait d’ailleurs dans la plupart des manifestations de souffrance psychique de l’enfant et de l’adolescent, leur cherchant, faute de savoir les approcher sur le fond, des causes organiques qu’elle ne découvre jamais – recourant aux traitements médicamenteux comme seule réponse. Celle française la tient effective dans la vie imaginaire ; c’est qu’elle dispose de la technique permettant l’approche de la vie psychoaffective ; approche délicate, car il faut y tenir compte que dans l’épreuve qui se témoigne, autant pour le jeune qui dit son désarroi que pour ses parents déconcertés, ni lui ni eux ne sont responsables de ce qui se passe – aucun doute que lui veuille être un bon enfant qui comble ses parents, et qu’eux veuillent le meilleur pour lui. Mais il a pu se créer une déconnexion de messages dans la transmission familiale, qui a piégé l’appropriation de sa réalité corporelle par l’enfant ; c’est cette transmission qu’il faut rétablir.

D’où résulte l’erreur d’importer l’approche nord-américaine sous le label “transgenre” ; il entraîne vers l’utopie transhumaniste d’un changement de sexe – un mirage qui miroite comme un soulagement immédiatement accessible, surtout pour les jeunes désespérés, en impatience d’une solution, débouchant sur de graves désillusions. Les psys français ont entrepris d’en convaincre leurs collègues anglosaxons.

Le JDD ® 2023


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