Christian FLAVIGNY

psychanalyste

1er février 2022 - Institut Thomas More: Transidentité · Adopter la terminologie américaine serait une trahison de la pédopsychiatrie française

Christian Flavigny, auteur d’Aider les enfants « transgenres ». Contre l’américanisation des soins aux enfants (Pierre Téqui éd., 2021), et Michèle Fontanon-Missenard, chercheurs associés à l’Institut Thomas-More, s’inquiètent d’un changement pour désigner la femme et l’homme au profit d’« individu assigné mâle/femelle à la naissance » dans le manuel de référence des désordres mentaux.
 
Se ressentir être de l’autre sexe que celui de sa constitution corporelle, est-ce un trouble psychiatrique ou bien l’expression d’un vécu personnel que personne ne puisse contester ? La question est posée par une modification de la prochaine édition du DSM, pour Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders, éditée par l’American Psychiatric Association, qui fait référence au plan mondial. Cette prochaine version est prévue pour le mois de mars.
 
La controverse tient à la modification qu’elle devrait opérer de la terminologie désignant la distinction des sexes, celle entre homme et femme. L’opposition « mâle naturel/femelle naturelle » exprimait jusqu’ici cette opposition (mais non sans ravaler au passage la réalité corporelle masculine ou féminine à une présentation animalisée, ce qui pouvait effectivement poser question). Dans la nouvelle version du DSM, cela deviendrait : « individu assigné mâle/femelle à la naissance ».
 
Une modification fondamentale
Quelles sont les conséquences ? La modification introduite est fondamentale. Il s’agit d’ignorer que la désignation de naissance (« c’est un garçon » ou « c’est une fille ») émane d’un constat objectif de la réalité anatomique. La différence des sexes résulterait d’une « assignation »autrement dit d’une décision subjective à laquelle un bébé serait soumis : il pourrait en souffrir plus tard car elle serait sujette à erreur, voire à l’arbitraire. Le bébé ayant grandi devrait donc avoir droit de correction de cette supposée violence initiale qui lui aurait été faite, selon ce discours idéologique, son ressenti devrait être considéré comme correspondant à une vérité incontestable, même serait-il contraire à son sexe corporel, son ressenti définissant son identité sexuée sans considération pour la réalité du corps.
 
Pour se conformer à cette vision, la nouvelle version du DSM ne parle plus du « genre désiré » que viserait la « transition corporelle », mais du « genre vécu », à entendre comme la « véritable » identité sexuée. Chacun serait dès lors maître en sa réalité corporelle et de décider ce qui définit son identité sexuée (en termes anglosaxons, son « genre »), rendant exigible que la société concoure à l’aider à « rejoindre » ce sexe sur simple réclamation. Il ou elle serait seul(e) en mesure d’en apprécier la pertinence. La procédure médicale de changement de sexe deviendrait du coup « procédure médicale d’affirmation du genre », personne n’ayant rien à objecter à la demande de « transition », notamment les psychiatres.
 
Rôle culturel du DSM
Idéologie ? Oui, et idéologie américaine. La preuve en est l’inanité de son explication : une « erreur de la Nature » serait à l’origine au fait de se sentir être de l’autre sexe, elle aurait mis une âme de fille dans un corps de garçon ou vice-versa. Idéologie américaine, parce que cette théorisation fallacieuse est la parade sécrétée par les militants face à la société anglo-saxonne normative qui persécuta les minorités, notamment sexuelles. Or une injustice sociale ne saurait valider une explication farfelue, surtout si elle entraîne à une erreur d’orientation dans l’aide.
 
En outre influe sur la rédaction du DSM le fait qu’il joue un rôle tout différent aux États-Unis : non pas seulement statistique comme en France, mais un rôle économique, voire juridique (puisqu’il est la clé de l’accès au remboursement des soins par les assurances) et un rôle culturel. Ainsi la pédopsychiatrie américaine recourt massivement aux traitements médicamenteux face aux difficultés du développement psychoaffectif de l’enfant, alors qu’en France c’est l’aide psychologique pour les dénouer qui domine.
 
Désarroi
C’est que la culture psychologique française est de compréhension. La classification psychiatrique demeure une simple collecte d’informations. L’approche psychologique ne demeure pas en superficie des manifestations, elle approfondit leurs causes dans l’intériorité du vécu, depuis son actualité familiale s’il s’agit d’un enfant ou d’un adolescent, ou comme réminiscences de son passé s’il s’agit d’un adulte. Cette compréhension ne porte aucun jugement depuis un critère extérieur et social, elle respecte la diversité des expressions de chacun mais les éclaire.
 
Ainsi la culture psychologique française décèle un désarroi dans le fait qu’un certain nombre d’enfants et d’adolescents réclament une « transition » : ils sont dans une difficulté à s’approprier leur corps propre. L’identité sexuée est le processus psychologique aboutissant à faire d’un hasard, le sexe corporel chromosomique (XX ou XY), une nécessité de soi-même, comme s’il s’agissait d’une évidence : « bien sûr que je suis un garçon/une fille ». Ce processus engage l’imprégnation du masculin pour le garçon, du féminin pour la fille, qui s’établit depuis la relation de chaque enfant à son parent de même sexe : l’identification façonne le canevas de la sexuation, mettant en œuvre une transmission psychique.
 
Médicalisation intempestive
Mais cette relation est chargée de passions et d’embûches. Elles peuvent embarrasser cette transmission et la perturber. La question en France n’est pas de savoir s’il y a trouble psychiatrique ou non ; il y a un désarroi qui peut déboucher en un mirage d’appartenir à l’autre sexe. L’appartenance alors réclamée d’être de l’autre sexe est une parade compréhensible contre un authentique mal-être : telle est l’explication française, argumentée par l’expérience et ouvrant à une aide respectueuse des jeunes et des familles en vue de soulager l’authentique malaise à sa racine affective. La société américaine l’ignore et du coup précipite dans des protocoles médicochirurgicaux invasifs et vite irréversibles. La nouvelle rédaction du DSM viendrait conforter cette médicalisation intempestive.
 
Que les adultes américains exigent de pouvoir décider d’eux-mêmes de changer de sexe, c’est leur débat avec la société américaine. Que ce pouvoir de décision s’applique aux enfants et adolescents américains, voilà qui mériterait que nous fassions mieux connaître outre-Atlantique la compréhension française du malaise de ces jeunes réclamant le mirage de la « transition ». Que tout ceci soit importé dans la pédopsychiatrie française serait une trahison de notre culture psychologique : elle est attentive aux désarrois de tous les jeunes, sans a priori, mais en refusant toute réponse factice et en excluant de tromper les jeunes, fascinés à leur âge par une « transition » qui leur semble un soulagement à portée immédiate sans être en mesure d’en mesurer les incidences ultérieures.
 


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